Manuscrits et archives

Le Casino-Théâtre peut être considéré de nos jours comme un lieu historique de la culture populaire genevoise. Outre la traditionnelle Revue, de nombreux spectacles et concerts continuent de se donner dans les murs centenaires de la rue de Carouge, cela en partie grâce à la subvention accordée par la Ville de Genève.

A l'origine, l'emplacement de l'actuel Casino-Théâtre est occupé par une brasserie, construite en 1881, qui fait aussi salle de spectacle. Cette "Brasserie de l'Espérance" accueille la première Revue en 1892, intitulée "Tout Genève à l'Espérance"; la formule connaît un succès immédiat, et l'expérience est reconduite les années suivantes. En 1894, l'endroit est vendu à l'organisateur de ces revues, Joseph Antoine Henri Cliquet de Beaulieu, dit Henriot, qui entame une refonte totale du bâtiment. Les travaux sont achevés en 1898; entretemps, la revue se taille une certaine réputation auprès du public genevois.

En 1903, l'établissement est racheté par Alfred Pery, qui possède déjà d'autres salles dans quelques villes françaises. Cela marque la fin de l'ère Henriot, qui a produit sa dernière Revue l'année précédente en rencontrant un succès constant. Alfred Pery relance la Revue en 1905, avec un professionnalisme plus poussé que son prédecesseur; d'autre part, le Casino de l'Espérance devient officiellement Casino-Théâtre.

Sous la direction de Pery père, puis de son fils Alfred (que l'on surnomme Fradel) qui lui succède en 1919, le Casino-Théâtre devient une entreprise florissante. De nouveaux travaux de modernisation sont entrepris en 1921, qui dépouillent le bâtiment de ses ornements exubérants. La guerre a momentanément interrompu la Revue, qui reprend en 1919, avant de marquer une nouvelle pause en 1921. Elle redémarre en 1925, écrite pour la première fois par Marius Berthet, alias Ruy Blag (son nom de plume), journaliste à "La Suisse" de son état, qui en sera l'auteur attitré jusqu'en 1963.

La Revue se hisse au fil des années au rang de véritable institution culturelle genevoise; la critique est en général bonne, voire dithyrambique, et l'affluence toujours au rendez-vous. Ainsi, alors qu'une "crise du théâtre" sévit en 1932, le spectacle du Casino-Théâtre est l'un des rares qui fassent encore recette, ce qui incite Fradel à ajouter une Revue supplémentaire en automne à celle qui prend traditionnellement place au printemps, et ce jusqu'en 1937.

En cette période, puis durant l'après-guerre, la revue s'appuye sur un certain nombre de valeurs sûres qui recueillent immanquablement les faveurs du public, tels que Rimert, Lauriac, Hermine, puis Jo Johnny, Irène Vidy, etc. Mais le succès du Casino-Théâtre doit aussi beaucoup à la qualité globale du travail des artisans qui créent le spectacle, comme par exemple le décorateur Louis Molina qui officie de 1910 à 1961. Fradel réussit à fidéliser ses collaborateurs et forme ainsi autour de son établissement le noyau d'une troupe relativement soudée.

A sa mort en 1941, c'est sa veuve, Marguerite Fradel, qui reprend le flambeau jusqu'en 1957, date à laquelle c'est au tour de leur fils Claude de prendre en main la direction du Casino-Théâtre. Au début des années soixante, une bonne part des éléments centraux de la troupe, comédiens ou autres, cesse peu à peu son activité (Ruy Blag, Molina, Rimert, Hermine notamment), ce qui entraîne un renouvellement conséquent du personnel oeuvrant au "Casin'".

Quelques années plus tard, des difficultés financières font leur apparition; le mode de fonctionnement du Casino entraîne des frais importants, et le développement de la télévision prive le théâtre d'une partie de son public habituel. Jack Yfar, ami de Claude Fradel, crée alors l'Association des Amis du Casino-Théâtre, et profite de son réseau de relations dans le milieu du spectacle pour amener quelques artistes réputés à se produire rue de Carouge (Raymond Devos, Claude Nougaro, etc.). Malgré ces efforts, les problèmes d'argent deviennent de plus en plus préoccupants et, en 1976, Fradel vend le Casino, qui est racheté par la Société Capital-Finance S.A., puis par la Ville de Genève en 1983.

Pendant ce temps, d'importants travaux de rénovation sont effectués, et la Revue continue de se jouer bon an mal an. En 1979, Alain Morisod reprend à sa charge l'organisation du spectacle, qui renoue aussitôt avec le succès d'antan, grâce en particulier à l'engagement de l'équipe "historique" du Casin'. En 1987 cependant, une nouvelle réfection du bâtiment force la Revue à s'exiler; elle ne peut reprendre qu'en 1990. A ce moment, la Ville de Genève décide de confier la direction de la Revue à Pierre Naftule, qui impose un style beaucoup plus percutant qu'auparavant, remplaçant l'humour bon enfant qui prévaut jusqu'alors par une caustique férocité.

Enfin, la Revue, dont la gestion incombe depuis 2003 à une société de production privée, est toujours jouée chaque année au Casino-Théâtre, qui accueille également divers spectacles, concerts, événements, etc.

La Revue constitue la part la plus visible, et la plus connue, des activités du Casino-Théâtre; institution maintenant largement plus que centenaire, elle est durablement inscrite dans le paysage culturel genevois. Son style a passablement évolué au fil des saisons. A l'origine, le spectacle tient beaucoup du style cabaret et music-hall en vogue alors à Paris tout en se permettant une certaine forme d'impertinence à l'égard du monde de la politique et des affaires. Ruy Blag imprime par la suite un ton moins directement inspiré de la comédie musicale pour se concentrer plutôt sur une forme de critique sociale, qui toutefois n'exclut pas les numéros chantés ou romantiques. Enfin, après le passage d'Alain Morisod qui poursuit dans la veine précédente, les spectacles créés par Pierre Naftule se caractérisent par leur côté vitriolé et leur rythme soutenu, en ne ménageant guère les personnages qui y sont campés.

Cependant, le Casino-Théâtre ne se résume pas à la seule Revue; il a toujours accueilli d'autres pièces, en engageant pour cela souvent plusieurs des comédiens jouant déjà dans la Revue. La troupe qui se forme officieusement autour de la dynastie Fradel (Rimert, Hermine, Jo-Johnny, Lauriac, etc.) collabore de son côté à de nombreuses reprises pour diverses occasions. Enfin, la salle est régulièrement mise à disposition pour d'autres type d'événements (concerts, festivals, etc.).

Le Casino-Théâtre appartient actuellement à la Ville de Genève, et dépend du Département des affaires culturelles, qui gère l'occupation de la salle. Auparavant, de sa création en 1881 en tant que "Brasserie de l'Espérance" jusqu'en 1983, l'établissement a toujours été en mains privées, et notamment celles de la famille Fradel, de 1903 à 1976.

De fait, les Fradel ont longtemps pu faire fonctionner leur établissement comme bon leur semblait, n'ayant aucun compte à rendre à quelque autorité que ce soit et se reposant uniquement sur le succès populaire pour assurer la pérennité de leur entreprise. La mise sur pied d'une Revue, cependant, nécessite d'important moyens tant humains que financiers. Les comédiens, tout d'abord, qui sont engagés soit ponctuellement, soit à la saison; puis les musiciens de l'orchestre, le ou les compositeurs ou arrangeurs musicaux, la chorégraphe et ses "girls", la costumière, la maquilleuse... sans parler, bien sûr, de la conception du texte lui-même et de sa mise en scène.

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